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il a commencé le matin
à remettre en question
ses points d'interrogation
sa vocation rattrapée
par la justice
ne faisait rien pour l'apaiser
la productivité
comme unique raison d'écrire
ne lui sied plus
d'ailleurs il ne suit plus,
n'essuie plus les gouttes
tombées sur la feuille,
il n'essaie même plus de conter ses deuils,
il se contente de les vivre,
de respirer à plein nez
leurs parfums mortuaires,
qu'ils assassinent enfin cette plume
incapable de voler plus haut
que sa conscience littéraire
mais,
ce qui a débuté le matin,
l'après-midi est venu
l'achever
le coeur n'y était plus
la bible revenue sur son chevet
n'a rien fait aux démons
qui, plus nombreux que la veille,
se moquent de sa page blanche
fastidieux !
fastidieux !
fastidieux l'effort enfer !
l'inspiration à bout de souffle
les recommandations de son éditeur
restent muettes dans la boite aux lettres
le ventre assis
grogne de faim
vivante ou mourante,
la passion reste sourde
le buvard réclame
l'encre des débuts
du temps de l'écriture innocente
avant l'automatique
figure de style,
avant la grève de la fin,
avant la suppression
du droit de dire non
au final hollywoodien,
avant les traites tirés
à bout portant,
avant les sonneries
intempestives
des courriers recommandés,
avant la gifle au facteur,
avant l'exploit
de l'huissier
oui
ce mec qui a parlé
plus vite qu'il n'a couru
ce matin
quand tout a pété
et juste après
le calme revenu
un instant
la raison est revenue
un instant
mais l'éternité,
cette infidèle,
s'est échappée à nouveau
des secondes qui passent
elle est restée si peu longtemps
elle l'a aimé si peu longtemps
qu'il n'y a plus de place
pour faire le point
maintenant que le soir est à sa porte
le doute n'en peut plus
et lui n'en veut plus
peu importe
si c'est en écrivant
que l'on devient écrivain
il faut juste le rester
il faut le rester
il lui faut
écrire avant la nuit
il lui faut
s'écrire avant la nuit
ou mourir