Poètes :

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Le soleil, la femme et l'enfant

Viviane,  le 01.08.2011


Les grands yeux du bambin murmurent.
J'ai faim, Maman
Nourris-moi, tu le dois.

La femme, ombre sous le soleil brûlant,
Chasse les mouches
Qui rôdent autour de l'enfant.
La mère chétive
Presse son sein, besace vide,
Plus rien dans ces mamelles-là.
Elles sont taries
Comme toutes les sources du pays.

Les grands yeux insistent.
J'ai faim, Maman
Nourris-moi, tu le dois.

Le vent chaud souffle son haleine de sable.
L'air lourd écrase les silhouettes faméliques.
Les lèvres craquelées cherchent le sein à sucer.

Ecoute ma chanson.
Ecoute mon histoire.
Fils, elle est étrange
Pourtant tu peux me croire.


On m'a raconté un pays mirage
Où l'on ne pêche pas!
Jamais les barques ne quittent la plage.
Pas besoin de filet, ni de hameçon,
Rien, mon fils! Tu n'as besoin de rien!
Imagine! Le poisson est couché
Bien au frais sur des petites pierres glacées.
Il n'y a qu'à tendre la main.
La bouche des gamins n'a jamais sucé la tête.
D'ailleurs, là-bas, les poissons n'ont pas de tête!
Pas d'arêtes non plus!


Tu ne me crois pas, enfant.
Tu souris. Tu penses que je me moque.
Mais tu verras,
Papa Demba viendra
Et sa barque nous y emmènera
Là-bas.

Les grands yeux de l'enfant supplient.
J'ai soif maman.
Raconte-moi, tu le dois

Ecoute ma chanson.
Ecoute mon histoire.
Fils, elle est étrange
Pourtant tu peux me croire.

On m'a parlé d'un paradis
Où l'eau jaillit de terre.
De la source à la bouche.
Pas besoin de chercher.
Inutile de creuser.
Faut même pas puiser.
Pas de lourds bidons à porter.
L'eau coule, source d'espoir.
Elle jaillit, fontaine de vie.
Elle éclabousse la terre.
Chaque goutte est un cadeau.
Mais ils l'oublient.
Ils n'en ont que faire.

Tu ne me crois pas, enfant.
Tu souris. Tu penses que je me moque.
Mais tu verras,
Papa Demba viendra
Et sa barque nous y emmènera
Là-bas.

Les grands yeux de l'enfant s'éteignent.
Je suis fatigué, Maman.
Raconte encore
Même si je m'endors.

Ecoute ma chanson.
Ecoute mon histoire.
Fils, elle est étrange
Pourtant tu peux me croire.

On m'a assuré sans plaisanter
Que les chiens sont choyés comme des bébés.
Ils ne sont pas nourris à coup de pierre.
Leur menu est équilibré.
On veille à leur santé.
La galle ne les a pas rongés.
On les embrasse, on les caresse,on les dorlote.
On les promène pour faire pipi.
Ils dorment au pied au pied du lit.


Tu ne me crois pas, enfant.
Dis...tu souris??
Papa Demba viendra.
Tu verras.

Pollution, désertification, malnutrition, paupérisation,

Coopération, association, organisation,
Démocratisation, mondialisation,

Incompréhension!

Tu m'entends Papa Demba?
Ne nous oublie pas!

Les yeux de l'enfant se ferment.
Au revoir, mon fils.
Tu avais faim de savoir.
Tu avais soif de connaissances.
Tu avais faim.
Tu avais soif.

Faim, soif.

Faim de vivre.
Soif d'exister.

Nourrir l'enfant.
Nourrir la vie.

Seins desséchés, ventre gonflé.

Mélopée rythmée, larmes salées.

Mourir l'enfant.
Mourir la vie.

Dernier battement de coeur.
Libérée de la peur,
Maman sourit mais ses yeux pleurent.

Papa Demba ne viendra pas.
La barque a coulé là-bas.

 

Commentaires

Fabienne, 01.08.2011
Monique Phoba, 01.08.2011

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