Les 33 degrés avaient eu raison de ses manches longues,
Qu'elle portait pourtant depuis longtemps.
Elle avait hésité puis s'était convaincue
Qu'en été, être bras nus n'est pas une honte.
Elle était devenue jolie depuis l'incident,
Selon sa mère, elle l'avait toujours été ;
Mais s'en rendre compte n'est pas évident
Quand on préfère rester cachée.
Elle était devenue femme et avait des cheveux longs,
Un collier fin et un crayon pour tenir son chignon.
Ce n'était pas la première fois qu'elle était sortie ainsi,
Dans une grande inspiration, elle traversa le parvis.
Pénétra dans le tram, sourit au chauffeur,
Se fit une place parmi les voyageurs.
Mais déjà les premiers regards se firent insistants,
Elle tourna la tête machinalement,
En découvrit d'autres ; toujours plus gênée
Elle finit par garder la tête baissée.
Et puis s'en fut trop, elle pressa le bouton pour demander l'arrêt.
L'arrêt des regards et des questions murmurées,
L'arrêt de la mièvre compassion,
Des reproches et de la réprobation.
Elle pria pour que tout s'arrête,
Comme elle l'avait fait quinze ans plus tôt,
Laissant sur ses bras les stigmates indélébiles
D'une adolescence brisée par une lame de couteau.