Sous les draps propres son corps frémit.
Elle a une peur bleue des fantômes,
Surtout ceux qui viennent à l'improviste.
Une main dure la touche,
La pénètre, l'attaque sur tous les fronts.
Elle est bien trop dure pour ne pas la déchirer.
Elle a envie de pleurer, de crier au secours,
Exprimer son dégoût, son désarroi au monde entier ;
Mais le regard menaçant le lui empêche.
« Si tu parles, je dirai que c'est toi l'instigatrice » !
Elle est traitée comme une adulte,
Sanctionnée comme une adulte,
Bafouée comme une adulte dans sa chaire même.
Où est passée cette innocence qu'on lui avait promise ?
Où est passée cette bienveillance à laquelle elle a droit ?
L'adulte lui fait mal jusque dans ses entrailles.
L'enfant meurt de l'intérieur,
Salie dans sa morale, son moral tombe des nues.
L'incompréhension l'a gagnée et les questions pullulent.
Les blessures qu'elle porte en elle,
Rejailliront tôt ou tard sur sa vie,
Sur les autres, sur la vie des autres.
Il lui faudra des années pour comprendre
En parler, expliquer, tenter d'effectuer ce deuil inévitable,
Tenter de brûler le passé, le consumer à jamais.
Il lui faudra des années pour se déculpabiliser,
Expliquer aux autres que ce n'était pas sa faute,
L'expliquer à soi, d'abord, dans son journal intime.
Mettre des mots sur des douleurs, des odeurs, des sensations de peur.
Des années pour pleurer sans honte,
Pour ne pas fuir brutalement la main tendue vers elle
Pour mettre des noms sur des gestes, les mots sur des comportements.
Et puis elle attendra l'heure de cette justice improbable.
Que le bourreau soit reconnu et puni pour ses crimes,
Reconnu comme pédophile !
Mais la cicatrice infligée à son âme innocente,
Les points de sutures calqués sur son amour propre,
Se reflèteront toujours sur le miroir de sa dignité.
L'enfant meurtrie, l'enfant déchirée de l'intérieur
Le restera encore et pour toujours,
Enfant meurtrie pour l'éternité...