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D'après la définition de cette expression, les enfants dévoilent régulièrement des vérités, leur innocence leur permet de remarquer et de formuler des faits qui nous échappent à nous, les grands.
Mais cette même innocence leur fait livrer aussi des confidences que les adultes auraient préféré ne pas entendre, ou voir même garder sous silence.
Donc si je résume en langage courant, on peut observer deux cas de figure intéressants :
Premièrement, le genre de définitions abracadabrantes et surprenantes de ce qui nous semble être de l'imagination :
Définitions de l'amour vues par quelques enfants :
"L'amour c'est quand la fille se met du parfum et le garçon se met de l'après rasage et qu'ils sortent ensemble pour se sentir" (Richard, 5 ans)
"L'amour c'est quand mon chien me lèche le visage, même quand je l'ai laissé seul toute la journée" (Jessica, 4 ans)
"L'amour c'est quand ma maman donne à mon papa le meilleur morceau de poulet" (Loubna, 5 ans)
« L'amour ça a quelque chose à voir avec être transpercé avec une flèche, sauf qu'après, ben ca fait pas mal ». (Halim 8 ans)
Deuxièmement, et celui-ci un peu moins charmant c'est cette situation où l'enfant dit tout haut ce que nous pensons tout bas mais en plus devant la personne en question.
« Dis maman, pourquoi le monsieur quand il parle ça sent pas bon dans sa bouche ? »
Alors là, c'est LE grand moment de solitude, cet instant où tu ne sais plus où te situer entre la honte qui colore ta figure et cette envie de rire que tu dois contenir car tu sais que ça sera pire !
Alors tu t'improvises en parent tout à coup bien plus sévère qu'avant ! Tu mets la main sur la bouche de l'enfant en lui disant « chuut ! Mais tais-toi voyons et demande pardon ! »
Ne sachant plus où te mettre tu cherches juste à prendre la poudre d'escampette.
Chacun d'entre nous a déjà employé l'expression « La vérité sort de la bouche des enfants »
Bien entendu, c'est souvent lorsqu'elle nous arrange que nous l'utilisons !
Petit exemple très courant, un père et une mère se chamaillent :
« Tu as encore laissé la bouteille de soda vide dans le frigo »
« Mais non, chéri, ce n'est pas moi ! »
« Si c'est toi ! ze t'ai vu ! »
« Ha ! Tu vois même la petite dit que c'est toi ! Et la vérité sort de la bouche des enfants ! »
Je suis sûre qu'à cet instant, la plupart d'entre vous ont imaginé une femme se plaignant à son mari et pourtant, je n'ai rien précisé.
Serait-ce là le reflet d'une vraie vérité ? A cogiter !
Mais comme pour tout, chaque médaille a son revers,
Nous avons eu droit au côté amusant de l'expression mais comique et tragique vont de pair et là c'est moins marrant !
Si l'on part du principe que la vérité sort de la bouche des enfants, alors pourquoi nous les adultes, nous les êtres qui sommes censés êtres intelligents, nous ne prenons plus la peine de les écouter avec attention !
Observez par exemple dans les transports en communs ou les lieux publics, lorsque débarque un troupeau de bambins, nous sommes quasi tous là à souffler, à rouspéter sous prétexte qu'ils font trop de bruit, nous sommes agacés oubliant même qu'un jour nous avons été petits.
Notre patience a réduit ses limites !
Et pourtant, si nous tendions l'oreille, nous pourrions être choqué d'entendre certaines vérités, celles dont les coupables diraient qu'elles ne sont pas bonnes à dire.
Du haut de leurs quelques printemps, certains ont déjà bien plus vécu que la plupart d'entre nous, les grands !
Anna a 5 ans, son père l'a inscrite aux plaines de jeux durant les congés scolaires, si je m'arrêtais là, vous me diriez :
« Ahh ben c'est super »
Mais attendez !
Son père se saoule du soir au matin, et du matin au soir, il régurgite pour ensuite entamer sa nouvelle cuvée.
Sa mère ?
Elle est morte par accident, enfin par accident ! Si l'on peut qualifier qu'un coma éthylique est un accident de bouteille !
Anna va aux plaines durant les vacances parce que son père préfère la déposer tel un paquet encombrant avant même que l'heure de la garderie n'ait sonné.
Un jour, j'emmène le groupe d'Anna à la natation, dans le vestiaire commun, je les aide à s'habiller lorsqu'Anna me demande l'autorisation de se changer derrière le rideau, elle avait déjà trop honte de ses quelques kilos en trop.
Je lui ôte ses chaussettes et là, je dois m'efforcer de garder le sourire pour ne pas frustrer l'enfant qui dégage une odeur qui pue la rage et qui ronge les narines, c'est terrifiant !
Après avoir quitté l'eau de la piscine, Anna m'attendait déjà derrière le rideau et c'est là qu'elle me demande où est son pyjama alors j'ai vite improvisé le mirage d'un nez rouge et lui ai rétorqué :
« Comment ça ?! Tu viens en pyjama aux activités ?! »
D'un air assez embêtée, elle a juste acquiescé.
Anna n'a que 5 ans, lorsqu'elle n'est pas à l'école, elle est au centre aéré, sa mère est morte par accident, son père se saoule du soir au matin et elle se rend aux plaines en pyjama !
Lorsque vous croiserez Anna, pensez à lui demander comment elle va !
Steve a 10 ans, il vit seul avec son père dans un logement de 37 m2 situé au rez-de-chaussée. Ils attendent depuis des mois de pouvoir déménager mais jusqu'à présent aucune habitation ne s'est libérée surtout s'il s'agit de celles qui sont dites « adaptées ».
Steve a 10 ans et au contraire de ses copains, il ne fait pas d'activité, il a juste le temps de la récré pour se défouler, ces quelques 20 min sur une journée pour n'être qu'un enfant comme les autres, car après l'école c'est toujours « Non désolé les gars, je dois vite rentrer ! ».
Steve n’a que 10 ans et déjà il a des responsabilités. Pourtant il n’a rien demandé, son père non plus d'ailleurs ! Le mauvais endroit au mauvais moment et c’est une voiture qui l’a fauché, cette fraction de seconde où toute une vie où deux vies ont basculées, ce claquement de doigt où rien ne sera jamais plus comme avant. 5 mois d’hospitalisation et 3 opérations.
Steve n’a que 10 ans et il s’occupe seul de son père handicapé.
Lorsque vous croiserez Steve, pensez à lui demander comment il va !
Samira a 13 ans, depuis quelques semaines, elle est devenue une jeune femme, et oui ! Comme on dit dans le jargon féminin, elle a ses « raniania ».
Samira vit seule avec sa mère depuis que son père les a quittées.
A l’école, tout se passe bien, elle a de bonnes notes, sauf à la gymnastique. Depuis quelques temps, elle refuse de pratiquer les cours.
Son professeur est persuadé que c’est par qu’ils sont mixtes et que sa religion le lui interdirait alors c’est chez la directrice qu’elle l’a envoyée faire un tour.
Malgré un questionnaire digne d’un commissaire, Samira n’a pas lâché un mot,et du coup, elle a eu deux jours de renvoi illico.
A son retour, se refusant toujours a pratiquer le sport, c’est une éducatrice qui s’est proposée d'en discuter et après un travail de dur labeur a gagner sa confiance, Samira a révélé sa douleur.
En fait, elle a mal en bas, à l’endroit dont parler, on ne doit pas !
A cet instant, vous devez vous imaginer qu’elle a été violée et bien non, mais je n’oserai pas pour autant diminuer l’atrocité de ce qu’il lui est arrivé.
Sa mère a tellement peur qu’elle perde sa virginité qu’elle lui met du « Harissa » là en bas, à l’endroit dont on ne parle pas !
Lorsque que vous croiserez Samira, pensez à lui demander comment elle va !
Je sais que je viens de plomber l’atmosphère, et je ne saurais en être fière mais sur ces vérités, je ne pouvais me taire !
A leur âge ils ne devraient connaître que l’innocence et l’insouciance et pourtant d’une expression simple de sens on en a découvert un double sens.
Alors ce soir, nous qui sommes là, nous qui prenons plaisir à nous écouter durant 2h
A clamer et partager nos désirs, nos souvenirs, nos rires et parfois même nos peurs
Gardons à l’esprit que nous pouvons élargir la limite de notre patience pour écouter ce que eux aussi ont à nous dire et aidons-les à construire un parachute en toile de mots
Pour que jamais plus ils ne tombent dans l’enfer du silence.