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j'ai toujours voulu être rappeur
rapper des heures durant
rapper des vers durs du genre
"j'préfère enculer le flamand du coin
qu'aux wallons homophobes serrer la main"
oui
je sais
c'est chaud
mais
j'ai toujours voulu trouver des flows
juste là
sous la peau
ma peau de singe mal léché
j'ai toujours voulu ouvrir ma gueule
de métèque
ou pas
suivant les hémisphères
j'ai toujours voulu développer une rage à la Tupac
mettre de côté
la poésie des papillons
en manque de soleil
c'était ça
ou rien !
c'était ça dont j'avais besoin
pour grandir avec frénésie
dans le miroir
mon côté Napoléon
ego-tripper à fond
ma face cachée de bounty
passer d'un MC Solaar
qui avait dit jadis à dix de ses disciples
"l'esprit de 68 aujourd'hui se dissipe"
donc
passer d'un Solaar
à des fils de bâtard
misogyne
aimant comme moi
des morceaux de rap
n'ayant pas vraiment embrasser leur part
féminine
mais
comment résister
comment faire
comment tourner
le dos
dans la cave
à des refrains entêtants comme
"I got 99 problems but a bitch ain't one,
hit me ! Braaa ! Quand on entre sur la piste,
bordel ! Ils ont niqué ma vie"
tous ces rappeurs
enfin
pas tous
certains ont brouillé mon sens des réalités
et d'autres
heureusement
m'ont donné l'envie de ne pas fermer ma putain de gueule !
l'envie de
pimper à la plume mes fantasmes de panthères noires
des rues sombres de Kinshasa
aux fausses lumières d'une Bruxelles mise à nue
par tant de compromis à la belge
tant de cons promis perdus
passant leur temps
à essayer d'imiter d'autres pays
au lieu de valoriser
ce que l'on a tous ici
de plus singulier
oui
elle
toi
lui
imagine
si l'on mettait davantage en avant
ce que l'on a de plus beau à s'offrir
imagine
si l'on mettait davantage de côté
notre peur de souffrir
souffrir de
ce que nos familles pensent de nous
souffrir de
ce que nos communautés pensent de nous
souffrir de
mourir
seul
en fait
car au fond
c'est Kery qui a raison
"le truc c'est
dès qu'il y en a un qui réussit
on est les premiers à s'élever
pour lui briser la nuque
yeaaahh !!!"
ça doit être ça aussi
la peur de mourir seul
fonder un groupe de rap
ou
un parti politique
pour mieux survivre
se mettre d'accord de
serrer les coudes
d'encaisser les coups
sans protège-dents
regarder à gauche
regarder à droite
qui survit
à la bataille des égos
se plier en quatre
pour remarquer
nos véritables compagnons de route
et les supplier
à la manière
du plus grand rappeur belge de tous les temps
"ne me quittez pas
ne me quittez pas"
il faut
oublier
les malentendus
et se rappeler
de ce que
une rose urbaine m'a confié
"le plus important
c'est
apprendre à vivre
et
à laisser vivre"