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Serge Noël,  le 25.05.2016


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1
Tout m'écoeure tout me fait mal prendre
un taxi aller à pieds je ne sais pas
ce qu'il faut faire
de toute façon c'est de la douleur
comme un début de pluie
un mal de dent comme une grande croix
sur le front une espèce de honte
le sentiment ce soir d'être plus laid que d'habitude
on s'y fait

l'amour qui est un chien inutile
me suit à dix pas

vous avez un peu de beauté de la langueur
vous aurez de gentilles maîtresses
il y a quelque chose en vous qui fait penser à de la pluie
ne plus savoir au juste de quoi il est question
ce qu'il faut encore faire

voici ta vie offerte en sacrifice à toutes les directions
les gens meurent aussi
tu ne peux pas y croire
tu es dans une maison si vide aujourd'hui
que la musique te fait pleurer


2
Dormir j'aurais voulu dormir
je ne peux même pas cesser les yeux
(et cal rapide de la douleur)
je suis ah ah contre l'oreille
le train roucoule et moi fumer
cette cigarette légère
toujours ce train
dire que je n'ai jamais vraiment senti les choses
je travaille dans l'espoir d'écrire des poèmes
que nous utiliserons pour voler plus vite que la lumière
nous sommes dans un mur
la vie va être longue
elle est un petit chien à la nuque solide
nous aurons des yeux comme des pièces de monnaie demain
mais l'aurore sera douce comme une pincée de sucre
je me creuse d'immobilité
d'indifférence


3
Je flâne dans une ville où les passants les cinémas
les voitures les cafés
sont des chiens qui me mordent
celle-ci se touche le visage les cheveux
ses petits gestes la transforment en une femme très belle
celle-là pose ses yeux sur toute chose
elle parle à tout ce qu'elle regarde
quelqu'un plus loin dit qu'il faudra bientôt partir
on partira
le ministère de l'industrie communique :
cette année notre production de pendus est en hausse
nos journaux parlent de la guerre
et c'est un ventre ouvert à chaque fenêtre devant chaque porte
des poissons allongés déjà de tous les jours
ça sent la bouche ouverte
nos journaux parlent de la mort
les arbres sont passés chez le coiffeur
on leur voit des oreilles des poses de danseuse
des soldats dans un autre pays sur l'asphalte bleu sont couchés
la main d'un avion les a comme des cheveux repassés
nos journaux parlent d'une menace lubrifient
branlent caressent la menace
CE SONT DES CHIENS CES JOURNALISTES
ON NE DÉMOCRATISERA PAS LA RÉALITÉ

par ce printemps pubère
où l'air se confond à la couleur des chapeaux
aux mots endormis sur les branches de l'amour
aux regards en manteau léger des garçons et des filles
le soleil comme un dessin d'enfant sourit
le promeneur creuse dans l'air la profondeur des choses
il y trouve des pépites ouvertes et douces les rues
de gros chats qui ressemblent à un service à thé gravement vous regardent
on parle du dernier malade
on court on court on lave on pleure
mais les journaux n'en parlent pas

il y a la main fermée de la tristesse en moi

à dix-sept ans l'idée d'une vie d'un monde que je ne pouvais pas comprendre
me donnaient la nausée je tremblais manquant de m'évanouir
s'habitue-t-on à tout je peux pas dire
cendrier tremblement fumer
ça s'éparpille ça se perd dans le dédale des douleurs


4
demain matin déjà ressemble
à la rose compliquée de ma pensée
ouverte
et pleine de doigts
de bulles
de mécanismes d'ampoules électriques cli
gno
tantes
ma respiration est l'endroit de mon corps où l'on va à la plage
il fait très clair sur ma poitrine
la mer allonge un peu la langue
mes larges épaules sont le moyen de communication le plus direct avec le ciel
elles me servent aussi à jouer au bras de fer avec le vent

il m'aurait suffi de respirer calmement pour apprendre à lire
j'ai eu des professeurs que leurs poumons quittaient
quand il rentraient en classe
des professeurs

il y a les chiens blancs
les chiens ronds
les chiens liquides

du rire


5
la vie commence
la vie recommence
la vie ne s'achèvera jamais
j'ai connu trop peu de pays
trop peu de gens dans les cafés

vagues naissant sur vagues mortes
ainsi se jettent les salives
vagues mourant contre la porte
dès qu'elles arrivent à la rive

ce matin je suis assis sur un banc
près du casino qui ronfle en cette saison
quelqu'un est passé la nuit dernière
on a écrit JE SAIS L'ART D'ÉVOQUER
en grands caractères blancs sur les dalles
disjointes et sales comme de vieilles dents
je passe une grande partie de la journée
assis sur ce banc
JE SAIS L'ART D'ÉVOQUER
m'accompagne quand je rentre à la maison
pour manger
du cassoulet à la purée de pois
je lèche le moindre article dans « l'Humanité »

là renaît la beauté toujours qui se remue
là toujours qui renaît sera la beauté nue
car la beauté sera toujours dans le tumulte
où c'est la mort qui vient pour lui casser la nuque

j'ai dormi une heure et demie
le soleil plonge doucement ses mains dans la crinière du Cap Martin
j'ouvre la fenêtre le vent m'absout
je ne rêve que le jour
la nuit je ne dors pas
je songe
je mens
merde le banc est occupé
par un couple de méduses avec un petit chien sous les pieds
JE SAIS L'ART D'ÉVOQUER
il y a d'autres bancs mais pas de poème devant
il y a toi bien sûr devant tous les bancs
demain j'irai à Vintimille
j'achèterai des objets
des opéras de Verdi
15 kms à pinces
je regarde les montagnes de mon lit
j'y vois des visages des revolvers des chapeaux

et ma jeunesse ainsi se passe
c'était le gué d'une rivière
naisse à la fin ce qui se casse
un verre et verses l'eau d'hier

ainsi mes poèmes à manger
se prolongent comme le sel d'une mer retirée
le soir
JE SAIS L'ART D'ÉVOQUER
je suis noué comme une ficelle
dans les cheveux de ton absence


6
Reviens je dis reviens la vie
la danse exotique de ma vie
pluvieuse et flash de photographe
et lourde et souple et miroir nez bouché
mystère de l'île de Pâques

dans le taxi qui te remporte à la maison
(où t'attends la famille couverte de briquets
et de tasses de café)
tu te dis qu'à Bruxelles décidément il manque
un fleuve un simple fleuve quelque chose
dans quoi quand on est malheureux il soit possible de se jeter
tu poursuis le soleil qui s'ouvre comme une fenêtre
et prend de l'altitude avec la fumée des premières cigarettes
tu es l'idée que tu te fais
d'un homme soudain beaucoup plus vieux
(il riait il pensait que toutes ces années
l'ont vu devenir moins douleur d'épine
moins regard de génisse qu'on mène à l'abattoir)
j'ai vieilli ce qui s'appelle vieillir
au sens où l'on s'avance
et qu'on sait qu'on s'avance
les choses ayant brûlé
voilà
voilà que les trésors dans quoi sagement
se mirait quand vous étiez enfant la vie
qui était tout votre trésor
chauffage au gaz et fenêtre fermée l'hiver
voilà qu'il ne s'y mire plus rien
mon dieu comment faire et que faire
il y a le vide après la pluie pas
le beau cette blague

reviens reviens sneiver sneiver
sur tes pas
SUR TES PAS

SUR TES PAS

mais que veux-tu faire d'autre
c'est fini bien fini de ton sommeil
ta vie fait une plage d'oiseaux et de poissons fatigués
ensemble
je les vois manger des frissons
ne ris pas le monde il m'arrive de pleurer
pour le monde
les femmes
barre de fer
qui portent leurs mains au-dessus des malades
ce qu'il y a de délirant de lié
d'incroyable d'embrouillé d'immense
en eux autour d'eux dans ce qu'ils font
leurs vies leurs villes leurs sentiments
la voix mangée de leurs serments
chacun d'eux je le regarde
sont-ils beaux ont-ils tué leur chien
leur aventure ils la vivent comme un morceau de viande
et c'est bien ce qu'elle est
dire à ces gens me fait trembler je vous ressemble
je n'aurai pas été le jeune premier d'une histoire
ni le toréador ni le spéléologue
le cosmonaute ou la chambre fendue d'un pauvre amour
le détenteur d'un record du monde du saut en hauteur
riez vous pouvez rire allez
mais nous
pauvres bornes kilométriques
qui ne nous avons pas immenses

Je ne suis pas
dans ta chemise
camarade

Je voudrais danser vos danses
Comprendre

je pense avoir de quoi payer mon loyer ce mois-ci
ci je
mois pense
ce avoir
loyer de
mon quoi
payer payer
quoi JE DORS LÀ DEDANS mon
de loyer
avoir ce
pense mois
je ci
ci-mois ce loyer mon payer quoi de avoir pense je


je dérive il me semble que vous aussi
c'est dériver d'aller
c'est la dérive ce mode habituel de vivre
et tout ceci n'est qu'un côté de cette histoire
ce qui se c
h
a
n
t
e
s'oublie vite
il y a des souvenirs plus mal élevés que les mouches à caca
dans la carafe de ma vie
je passerai des nuits à pleurer pour ceci

et je n'ai jamais su où se trouvait ici
chaque rêve
le matin
je lui dirai merci
chat crevé
l'homme atteint
des climats plus cléments
il me faudrait un dictionnaire des mots d'amour et des moulins

---------
Janvier 1980 Bruxelles


 

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