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La poule aux dents de lait
est apparue au bord
de mon sommeil léger.
Comme la conscience
picorée par l'eurocentrisme,
elle me regardait croire aux vérités
qui n'existaient pas.
Ça l'amusait beaucoup de me voir traverser
les frontières de papier
qui refusaient de reconnaitre
mon prénom d'origine.
L'administration me colonisait à nouveau.
Malgré la lutte avec Morphée, je partais tout de même
à la poursuite de cette indépendance,
celle que j'avais perdue
pendant l'impériale mission civilisatrice.
Peu m'importait d'être sous surveillance,
je voulais affirmer
une fois pour toute
ma valeur non marchande.
La poule aux dents de lait
ne me quittait pas des yeux.
Sous ses lauriers,
elle se tenait fière
au-dessus du défilé
de mes souvenirs,
prête à becter chaque idée
qui me rappelait la gloire
d'un peuple à disposer de lui-même.
Je ne voulais pas me lever trop tôt,
de peur d'être maladroit,
je voulais rester allongé là
le temps de murir mon élan,
d'entendre un sang sacré
renforcer ma confiance blessée,
être plus rusé que par le passé,
durcir cette volonté
trop longtemps clouée
au tableau de chasse
des envahisseurs.
Couché sur la terre de mes ancêtres,
j'invoquais alors leur esprit libre millénaire,
celui qui envoyait au diable les complexes d'infériorité,
celui qui me remettrait debout
avant d'envoyer cette poule
au pied du mur d'un Berlin
qu'anéantirait mon histoire.
C'était le moment d'agir,
de se redresser soudainement,
de casser les dents absurdes
de cette gallus gallus domesticus
et de la renvoyer, enfin, de toutes mes forces
dans les assiettes qui nourrissaient
en 1885 le nombril du monde
à la table d'une conférence
consacrant la folie des grandeurs
d'un trou du cul.