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J'ai pris place pour quelques années
Dans cette chose d'os et de sang
De peau et de poils
Et de muscles noués
Je l'ai recouverte pudiquement
De sous-vêtements de sentiments
De pleurs et aussi de tourments
De joie et de bonheur
Pour en protéger le coeur
Je l'ai prise comme une barque
Pour traverser l'océan de la vie
Il est des jours où
Il est aussi encombré
Qu'une autoroute en plein mois de juillet
Il en est d'autres où
Je me sens perdu
Abandonné
Seul
Sans port en point de mire
Sans voile à l'horizon
Parfois accompagné de quelques dauphins
Sortes de poissons pilotes
Me montrant le chemin
Dans le labyrinthe tortueux
Des débarcadères de nos chimères
Parfois accosté par quelques sirènes
Montant à l'abordage de ma solitude
Histoire de me raviver
De me ranimer
Je parle parfois
Aux poissons ou aux étoiles
Aux algues ou aux cailloux
Mais ils me laissent tous
Avec la même soif
Toujours plus lancinante
Toujours plus brûlante
Toujours plus cuisante
Et toujours inassouvie
De toutes mes méconnaissances
Comment arriver sur la berge
Les rapides m'entraînent
Dans les méandres de cette vie
Dans ses grottes souterraines
Noires de l'oubli
Si vides
Qu'un sentiment à peine pensé
Provoque un écho assourdissant
Culpabilisant
Tel un coup foudroyant
D'incertitude
Quitter cette barque
Ou plutôt cette galère
Dans laquelle je m'étais enrôlé
Et qui me salit
Qui m'écorche
Qui m'éventre
Qui m'écoeure
Qui m'ouvre le coeur
Et me fouille au plus profond de moi
Me désincarner
Me désincarcérer de ce joug de douleur
Sortir de cette enveloppe charnelle tel un fantôme
Pour m'évader de cette prison de chair
Et pouvoir enfin vivre de renouveau
...
Le Poëte est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.