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Puisque nous aimons l’Afrique des savanes
Viens y courir pieds nus
Viens rigoler avec nos enfants-posters
Au bonheur photographique légendaire
Viens y chanter des langues dites sauvages
Y cultiver quelques mirages
Y flatter des colons-nouveaux-visages
Y filer du mauvais cotton
Y pavaner mine de rien
Dans des champs tard le soir
Par endroits
Plus fertiles que les terres où poussent
Des pétrodollars
Viens caresser des lions empaillés
Pour ne pas t’effrayer
Viens confirmer qu’ils peuvent
Avoir plus de gueules en vrai
Nos pays-cartes-postales
Viens glisser sur quelques courbes rebondies
Sur des toboggans moins plats
Que ceux de la mer Baltique
Viens voir notre loi du marché
Plus féroce que la jungle
Mais bien plus respectable
Ou disons plus rentable
Viens voir tout ce que l’on fait
Pour enterrer nos authenticités
Sous la surface d’étiquettes
Tellement plus exportables
D’après les tendances mondiales
Dictées par une poignée de capitales
À la mode boursière
Viens voir le cirque fou
De quelques-uns de nos dirigeants
Esclaves-riches
Qui te feront tourner la tête
Toujours du bon côté
Si t’allonges les bons billets
Safari un jour
Safari toujours
Est la devise inscrite
Au verso de quelques drapeaux
Dénigrer nos propres langues
Est signe d’intelligence
Disent les nouveaux-négros
Mais tout le monde sait
Que c’est celui qui appuie
Le fusil sur nos tempes
Qui a toujours raison
Et puisque les martyrs ne sont pas encore
Revenus des morts
Pour le contredire
Nous attendrons de voir les derniers
Vaillants renverser la tendance
Peut-être que c’est cela le problème
Peut-être que nous sommes
Trop nombreux
À attendre
Le courage des autres
Bref
Avant de mourir
Viens voir notre art-fric-des-savanes
Il paraît que la mort
Est moins pénible
Au soleil
Ou serait-ce la misère
Qui écrase nos cerveaux
Avant qu’ils ne deviennent
Nos fers de lances ?
Peu importe
Viens nous voir !
Et non, je ne serai pas fâché
Je serai juste fatigué
De rire sur tes photos