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Une Lueur D'espoir (épisode 01)

Nganji,  le 31.12.2017


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C'est l’histoire d’un homme en quête de lumière. Sur son chemin ; un philosophe, un mathématicien et une drôle de collectionneuse l’interpellent. /Ci-dessous, l’épisode 01/
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07h32.


Une lumière diffuse se pose sur mes paupières, me force à les ouvrir.
Les rideaux sont toujours grand ouverts sur cette nuit qui ne finit pas.
Le seul faisceau lumineux qui me parvient est celui du silencieux réveil à mes côtés.
Il faut se lever.
Les heures qui suivent seront-elles différentes ?
Nul ne le sait.
Je garde mes habitudes.


08h15.


Le boucan dans l’immeuble d’en face commence à ressembler au mien.
D’autres squatteurs continuent d’arriver et il devient difficile de les éviter.
Le conteneur à ordures replacé devant la porte, je longe le mur en direction de la sortie.
Je ne suis toujours pas convaincu de l’efficacité de ce leurre.
La lampe à huile allumée au bout du couloir m’indique que je ne suis pas le premier à quitter ce bâtiment.


08H30.


Au bout de la rue tracée par des tonneaux de feu, j’aperçois Bougie.
Il a déjà commencé à compter ses hiboux quand j’arrive près de lui.

- Alors Bougie, ils sont plus nombreux qu’hier ?

Sans quitter sa compagnie des yeux, il me répond :

- Plus nombreux, plus nombreux… Ceux qui partent ou ceux qui reviennent ?

Je pensais avoir posé une question claire mais il me faut préciser :

- Ceux qui partent.
- Ceux qui s’en vont sont nombreux… mais ceux qui reviennent le sont encore plus.

Sa réponse ne me rassure pas. J’hésite avant d’insister :

- Est-ce un bon signe ?

Finissant ses comptes, Bougie me répond :

- Le hibou n’a jamais été reconnu comme signe astrologique…

Il s’arrête, me regarde enfin et, sourire en coin, poursuit :

- C’est dommage… c’est bien dommage.

Je me retiens de poser une autre question et observe en silence l’envol orchestré par le vieil homme aussi mystérieux que ses oiseaux.


10h09.


A la gare, je marche sur le quai à la recherche de journaux récemment abandonnés.

« Le ciel s’est-il découvert à quelques endroits ? » est la seule interrogation qui me préoccupe.
J’espère une réponse positive à chaque fois que je ramasse et feuillète un papier sérieux.
Les presses gratuites, elles, sont remplies de mirages.
Je ne les crois plus et me donne encore moins la peine de les lire.
Pourtant, il n’y a que leurs publications qui trainent le long des voies.
Je m’en vais les mains vides.
De toutes façons, ça se saurait si la lumière avait percé quelque part !


13h46.


La soupe populaire est toujours aussi dégueulasse. Mais, partager un repas gratuit, ça n’a pas de prix.
Je frotte longuement la pomme offerte en dessert en me demandant si j’ai fait tout ce qu’il fallait depuis mon départ…

- Hey ! Hey ! Heyyyyyyyyyy ! Tu vas la manger ou pas ?

M’interrompt mon voisin de gauche.

C’est la première fois qu’il m’adresse la parole.
Moi qui le pensais muet, je m’apprête à lui répondre…

- Une pomme, ajoute-t-il, et on refait le monde. Le jardin d’Eden, tu connais ?

Je n’ai pas l’occasion de réagir…

- La pomme d’Adam servie par Eve ? La plus belle histoire machiste de tous les temps. Il ne fallait pas manquer d’air pour la raconter celle-là. Y as-tu déjà songé sérieusement ?

Je ne vois pas où il veut en venir…

- Qu’Eratosthène se soit laissé mourir de faim parce que devenu aveugle il ne pouvait plus voir les étoiles, je veux bien. Mais que la pomme d’Eve soit la cause des maux d’Adam et de leurs descendants tous sexes confondus ; là, qu’il fasse jour ce soir ou pas, je ne veux pas y croire.

L’index qu’il venait de lever, il le secoue en signe de protestation avant de reprendre :

- Alors cette pomme, tu vas la manger ou pas ?

Je finis de le dévisager pour lui dire :

- Il ne faut pas autant parler pour demander une pomme.
- Et Darwin, tu connais ?

Rétorque-t-il.

- Je n’ai pas le temps…
- Le temps à perdre ou à gagner ? Choisis bien ton camp… même si dans les deux cas, le temps s’écoule. Sais-tu faire la différence ?
- Je n’ai pas le temps de jouer aux devinettes.

Dis-je agacé.

- Qui parle de devinettes ? Le savoir, ça ne se devine pas jeune homme. On le cherche et on le trouve. Alors cette pomme, tu vas la manger ?
- Je vous la donne cette pomme !

Énervé, je la lui mets en main et me lève.

- Hey ! Hey ! Heyyyyy !
- Quoi encore ?
- Reprends-la. J’ai déjà mangé la mienne.

Je préfère m’éloigner avant de m’emporter mais lâche quand même :

- Pourquoi vous me faites chier avec vos conneries ?
- Hey ! Heyyyyy ! Attends ! En partant faire ta grosse commission… n’oublie pas deux choses :
Ta pomme.

Il s’avance, met le fruit dans ma poche.

- Et que 1 + 1 = 3.
- Quoi ?
- 1 + 1 = 3 j'te dis. Ne l’oublie pas !
- Vous êtes fou…
- Non, non, non. Mes amis m’appellent Isaac. Ca non plus, ne l’oublie pas.

Il se retourne aussitôt, comme rappelé par son mutisme.
Je me précipite dehors en contenant ma colère.
J’ai assez perdu mon temps…


16h35.


De retour à la gare, j’observe les navetteurs. Ces passagers qui me fascinent de continuer à travailler alors que le ciel est continuellement noir depuis des semaines.

Ce que je recherche dans leurs quotidiens me reste inaccessible.
Et les journaux gratuits ne font toujours pas mes affaires.
Je ne peux me résoudre à rentrer sans bonnes nouvelles.
La seule solution envisageable ne me plait pas beaucoup.


17h15.


Décidé, je me rends au centre où travaille un ancien compagnon à qui je dois de l’argent. Lui, il a toujours une longueur d’avance en matière d’informations.

Le centre prodigue des soins gratuits. Pour cela, il faut juste survivre à l’éternelle file d’attente.

A l’accueil, ce n’est pas l’habituel visage qui me regarde arriver.

A sa place, des contours plus doux révèlent une femme que je n’avais jamais vue.

Je ralentis mon pas, j’hésite et m’arrête.

Entre le bout de la file et elle : cinq mètre.

Entre elle et moi: un monde.

Un monde qu’elle traverse en levant ses yeux vers moi.

Je ne sais pas quelle tête je fais mais son regard passe de l’étonnement à l’amusement.

- Vous comptez rester là ?

Par ces mots elle brise le silence qui semblait m’entourer depuis mon dernier pas.
- Euh…

est le seul son sorti du peu d’assurance qu’il me reste.
“Ressaisis-toi !”, je m’intime.

- Euh…bonjour.

Dis-je en remettant timidement un pied devant l’autre.

- Bonjour ? Les nuages ne laissent plus passer la lumière depuis des lustres et vous dites toujours bonjour…
- Euh…

Je m’en veux de perdre mes mots et je pense que cela se voit.
Le sourire aux lèvres, elle pointe son crayon vers moi:

- Vous, vous avez une drôle de façon de résister à la météo… Quel est votre problème ?
- J'n’ai pas de problème.

J’arrive enfin à répondre d’une voix claire comme pour m’en convaincre moi-même.

- Alors, que faîtes-vous ici ?
- Je cherche votre collègue.

Lui dis-je en pensant qu’elle représente peut-être ce que j’ai vu de plus beau ces dernières années.

- Mon collègue ?
- Celui qui travaille ici… d’habitude.

Je lui réponds en me disant qu’elle n’est pas probablement mais surement ce que j’ai vu de plus beau.

- Je suis seule à travailler à l’accueil… Pourquoi souriez-vous ?

Sans m’en rendre compte, c’est bien cela que je fais.

- Euh… je n'sais pas.

En effet, je ne le sais pas.

- Il y a d’autres personnes derrière vous.

Me dit-elle gentiment.

- Savez-vous pourquoi ils vous ont engagé ?

Est la première question qui m’est venue pour prolonger ce que je ressens en la regardant.

- Surement parce que je collectionne depuis toute petite les ampoules et que la luminothérapie est ce qui marche de mieux de nos nuits…

Me dit-elle sur un ton que je n’arrive pas à interpréter.

- Vous plaisantez ?
- En ai-je l’air ?

Elle sourit et me montre du doigt la file qui se crée derrière moi.

Je ne sais comment réagir après avoir constaté les impatients dans mon dos.

Avant d’être davantage incommodé, je la regarde en reculant lentement et tourne les talons.

Je me dirige vers la sortie en me demandant encore si elle plaisantait…


21h08.


Je marche dans la rue éclairée par les tonneaux de feu.

Bougie compte ses hiboux.

Je ne m’arrête pas.


21h32.


Le boucan de l’immeuble d’en face a contaminé le mien.

Je regarde un long moment les lampes à huile qui éclairent les deux entrées.


21h40.


Je longe le couloir, arrive au conteneur à ordure.

J’ai le sourire au lèvres en pensant que je ne rapporte aucune nouvelle lumineuse…
si ce n’est que je pense…
non…
je suis certain d’être tombé amoureux.

Je rigole tout seul avant de reprendre un air sérieux
et
de me décider à retrouver mon abri.


21h50.


Je me tiens debout au milieu de mes affaires saccagées.

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