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Il faut bien mourir de quelque chose

Serge Noel ,  le 27.10.2016


quand vient la fin d'une histoire
que les frissons se sont éteints que les étoiles pâlissent
quand le corps a cessé de concurrencer la lumière
quand tu dis viens à ton ombre plutôt qu'à l'amant
qui semblait remplacer le matin
quand ta main ne caresse plus que le papier des livres
où on parle d'ivresse et de sentiments fous
quand autour de toi le monde est dans le froid revenu
et sous la pluie sans cesse qui tombe ainsi que mots définitifs
quand les chansons se taisent qui hier encore faisaient musique de ton âme
tu te dis voilà la mort la mort que je n'attendais plus
imaginant que l'éternité te tendait une main de chair
tu te dis qu'il faut bien mourir de quelque chose
comme un bouquet changeant de baisers de serments
mais voilà que renaît ton goût immémorial pour le violon
et tu chantes encore derrière la fin des jours
tu te souviens des poèmes que Desnos écrivait dans le ventre de la mort
rêvant d'une vie d'homme au centre de l'enfer
tu revois Aragon riant après Elsa
près des piscines où le saxophone jouait pour des hommes neufs
et tu fumes avec délice une nouvelle cigarette au souvenir de celles
qui te brûlaient jadis les lèvres
tu recherches la saoulerie des anciennes nuits de ta jeunesse
sans tomber à genoux sans céder à l'obscur désespoir
tu bois les vins délétères les vins de nostalgie
des vingt ans que tu ne rattraperas plus
quand ton petit coeur de rêveur se brise
à l'idée des années de combat des années de montagne
des années d'oiseau marin dans les hauts faits du ciel
de bateau de voilier qui nargue le destin
toujours chevillé au corps des gens du peuple
dont tu te sentais le compagnon et l'enfant et le frère
1917 courage des soldats et des paysans du côté de la Russie
orage qui du monde fit une fête si longtemps attendue
1973 force des étudiants et des travailleurs du Chili
déflagration tranquille achevée dans le sang
espoirs bleus à la veine qui battaient
qui chuchotaient dans la nuit infinie des esclaves
quand la Grèce insurgée paisible qui dit non
passe par le chemin ardu et sévère de la peur
quand l'espoir te semble inaccessible comme un luxe éphémère
oiseaux du ciel animaux galopant dans la savane rouge
chemins d'été tremblant de chaleur et d'extase
te revient la mélodie incassable de l'amour
du combat de la nécessité toujours de vivre
tu te dis qu'il faut bien mourir de quelque chose
mais pas de résignation
il faut mourir de fatigue peut-être
il faut mourir de danser
il faut mourir de ciel bleu et de pluie
ainsi qu'une saison qui vient qui ploie et qui se meurt
ainsi qu'un printemps auquel tu crois sachant pourtant qu'il passe
mais c'est plus fort que toi
l'aurore magie infime des fenêtres qui s'ouvrent
l'aurore des bruits des rues et des sourires des enfants réveillés
à peine une porte se descellant sur le monde debout
voilà déjà le soir et la nuit et la boue
tu cherches encore la joie des amis et des feux
au milieu de cette nuit qui défait les arbres et les yeux
dans le secret toujours renouvelé des mots
tu te souviens des femmes qui disaient des poèmes de Heine
alors qu'elles succombaient et de corps et d'esprit à Auschwitz
tu te souviens des chants qui exaltaient les ombres
soeurs orphelines de la lumière
et tu te dis s'il faut mourir
que ce soit d'avoir vécu
de vivre encore
et ton corps chaque jour plus frêle plus faible plus hésitant
et ton âme pourtant obstinée aussi vive qu'au temps des luttes
sont le phonème essentiel de ta condition d'homme
peut-être aimeras-tu à nouveau comme tu as aimé comme tu as dansé
peut-être une fois encore le monde s'ouvrira-t-il sur les jours jaunes
et lumineux où les hommes se battaient
même si tu ne danses plus
même si tu ne t'enivres plus
tu rêves encore tu chantes encore tu danses avec tes mots de ciel
tenace et enragé tu es ainsi que la mer qui balance et revient
depuis des temps infinis vers la rive où dorment les rêves
prends encore une cigarette prends un verre d'alcool
cours les rues noires derrière le cul d'amants qui tournent
manifeste en ce mois de mai qui toujours se présente
l'histoire ne finit pas
la souffrance et la mort à tes trousses la faim les fins de mois
l'angoisse d'exister
les questions qu'à Dieu posent les descendants des oiseaux
les descendants des biches dans le fond des forêts
les descendants des mineurs qui crevaient au travail
et sous les balles des puissants
mais qui ont ouvert à jamais les chemins du futur
et les petites filles dans les caves des industries textiles
et les paysans nus d'Europe et du Machu Picchu
et les ouvriers pâles à Anvers et Bombay
et les migrants amaigris qui traversent les mers
et fouillent dans la nuit les raisons de se relever
tu te dis s'il faut mourir ce ne sera pas seul
tu te dis qu'il y a des millions de fraternités
qui fouillent dans la nuit les étoiles qui scintillent
au bout des doigts au bout des lèvres et dans les chansons
et sur les cordes du violon
qu'au moins de mourir tu ne sois ni vide ni courbé

oui
aujourd'hui la question de ta mort se pose
aujourd'hui petite aube comme à chaque jusant revenu
aujourd'hui comme d'autres jours qui pointent au coin des rues encombrées
de sacs poubelles et de moineaux fouissant dans la terre des songes
mais en ce jour comme tous les jours remontés dans le ciel noir des pluies
dans le ciel nouveau toujours des projets des désirs
tu sais que tu ne mourras pas de gel que tu ne mourras pas de fer
tu sais que tu vivras jusqu'à l'ultime seconde de danse et de chant
tu ne mourras pas de terre battue tu ne mourras
ni de défaite ni de pierre
tu sais que s'il faut bien mourir de quelque chose
ce sera de vie et d'espoir
ce qui fera de toi une autre de ces étoiles parmi les myriades
qui auront pâli jusqu'au bout dans le petit matin

 

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